Recherche financière post MIF 2 : l’AMF prend acte des besoins d’évolution remontés par la Place et annonce son plan d’action
Rapport Eli-Namer Giami publié le 27/01/2020
L’annonce de ce plan d’action en faveur de la recherche fait suite à la réception du rapport demandé par le Collège de l’AMF à Jacqueline Eli-Namer, membre du Collège de l’autorité, et à Thierry Giami, président de la Société française des analystes financiers (SFAF), afin « d’analyser l’impact de MIF 2 sur la recherche en investissement et d’explorer des pistes d’amélioration possibles ».
Cette demande a été motivée par de nombreux retours négatifs exprimés par les acteurs de la Place depuis la publication de la directive européenne déléguée 2017/593 et son article 13. Celui-ci, débattu et fixé tardivement lors de réunions de second niveau au sein de l’ESMA, a fait basculer la recherche dans le champ des incitations.
Pour rappel, les incitations sont des avantages porteurs de conflits d’intérêts, dont la perception est interdite par les prestataires de services d’investissement (ci-après « PSI ») œuvrant dans le cadre des services de gestion de portefeuille pour compte de tiers et de conseil en investissement indépendant. Concernant les autres services d’investissement, les incitations doivent être justifiées par une amélioration de la qualité du service.
En conséquence immédiate, les courtiers fournissant de la recherche aux PSI ont dû revoir leur offre en général, et leur mode de tarification en particulier. De l’autre côté, les PSI (dont font notamment partie les sociétés de gestion et les banques privées) consommateurs de cette recherche, , lorsqu’ils investissent dans des titres émis par des sociétés cotées (large, mid ou small caps), ont dû quant à eux revoir le périmètre de leurs besoins et le mode de financement de la recherche financière.
Rappel des dispositions MIF 2
En France notamment, la recherche était financée jusqu’au 1er janvier 2018, date d’application de la directive MIF 2, par les PSI, lors de chaque transaction réalisée auprès d’un courtier qui fournissait alors une prestation d’exécution de l’ordre, via une commission appelée « commission de courtage ». Celle-ci venait rémunérer à la fois (i) cette prestation d’exécution de l’ordre et (ii) la fourniture non limitative de matériels de recherches produits par les analystes financiers, pour une répartition moyenne constatée d’1/3 - 2/3 de la commission. Cette commission était in fine prise en charge par l’investisseur final, client des PSI, comme les conditions tarifaires l’en informaient.
La qualité de la recherche fournie était un facteur très largement pris en compte dans la sélection des courtiers par les PSI, et inversement, le volume des flux de transactions donnait le droit à des commissions de courtage commercialement négociées à la baisse.
Il n’y avait donc pas de corrélation réelle entre les commissions de courtage payées et la quantité de recherche reçue. Il était également impossible de répondre à la question : qui paye quoi, pour quel service ? L’asymétrie générale du dispositif, entre les différents PSI eux-mêmes, mais aussi entre les clients d’un même PSI, a conduit le législateur européen, sous l’impulsion britannique, à ordonner
- l’unbundling des commissions de courtage
- un mode de financement de la recherche non porteur de conflit d’intérêts
- une qualification plus précise de la recherche et la formation d’un prix de commercialisation
Une précision s’impose : il s’agit bien d’une obligation MIF 2 applicable aux PSI. Donc non applicable réglementairement aux activités de gestion collective (OPCVM ou AIFM). Ce détail n’en est pas un : il a contribué à rendre le dispositif final déséquilibré et parfois inapplicable pour les sociétés de gestion qui doivent se mouvoir dans un environnement réglementaire non harmonisé voire conflictuel. Les évolutions mentionnées dans ces paragraphes ne concernent donc pas la gestion collective qui peut continuer à financer la recherche perçue par les transactions.
L’unbundling consiste donc à isoler le paiement de la seule prestation d’exécution de l’ordre de la partie imputable à la recherche. A chaque transaction donc, les PSI ne payent désormais que la commission de transaction soit environ 1/3 du prix initial. La recherche devient alors un marché en soi et doit, à ce titre, être facturée indépendamment selon des commissions proportionnées.
Jusqu’au 1er janvier 2018, les PSI ont dû choisir le mode de financement de la recherche dont ils ont besoin quotidiennement pour investir sur les marchés :
- Soit en la refacturant aux clients via un système de budgétisation annuelle, opérationnellement complexe et commercialement contraignant (on parle de RPA – Research Payment Accounts)
- Soit en la prenant directement en charge, via leurs propres ressources
Nous avons constaté que la seconde option a été majoritairement choisie par les PSI de la Place française, par souci de simplicité.
Enfin, le troisième et dernier enjeu de ces nouvelles dispositions est le prix de la recherche. Il a en effet fallu, pour les fournisseurs et les consommateurs de recherche, négocier et déterminer le prix à une prestation qui n’en avait pas, jusqu’ici, de proportionné.
De l’intérêt de la recherche
Le rapport fourni à l’AMF, et dont la SFAF se fait l’écho, rappelle que la quantité et la qualité de la recherche produite et échangée sont des paramètres clés pour le bon fonctionnement des marchés actions.
Un niveau important de cette recherche permet consécutivement
- une meilleure information des investisseurs et donc une plus grande transparence du marché
- une meilleure valorisation des titres cotés
- une meilleure fluidité des investissements, notamment sur les small et mid caps
- une meilleure liquidité du marché
In fine, la recherche contribue à l’efficience des marchés financiers et par voie de conséquence au bon financement des entreprises en recherche de capitaux.
Enfin, la recherche permet de donner du sens à l’investissement et d’allonger les périodes de détention des titres. A contrario, toutes les techniques d’investissement qui reposent sur un état donné du marché (trading haute fréquence, analyse technique, gestion passive,…) ne contribuent pas fondamentalement à améliorer son efficience qui intervient lors de la formation des prix.
Contexte défavorable
Les dispositions de MIF 2 ont contribué à la fois à améliorer la transparence et l’équité autour du prix de la recherche, mais aussi à dégrader la qualité et la quantité de la recherche dont la situation s’inscrit dans un contexte défavorable depuis plusieurs années. En effet :
- L'instabilité des marchés et le renforcement constant des obligations réglementaires à mettre en oeuvre réduisent la marge de manœuvre financière des acteurs régulés qui considèrent désormais la recherche comme un poste de charge à optimiser
- Les taux négatifs impactent négativement le recours aux capitaux des entreprises par le marché depuis 2017, constaté par la baisse des introductions en bourse
- La forte émergence de gestions non consommatrices de recherche, notamment la gestion passive et le capital investissement, font baisser l’activité des analystes
- La décollecte des fonds actions de ces dernières années, notamment induite par les règles prudentielles de l’industrie, génère moins de flux et donc moins de commissions
Les effets négatifs de MIF 2
Le rapport relève que les nouvelles obligations de MIF 2, à l’appui de quelques chiffres et d’une série d’entretiens, et compte tenu du contexte défavorable, participent à fragiliser économiquement les fournisseurs de recherche en favorisant :
- Une pression générale budgétaire sur les PSI, les obligeant à rationaliser leurs besoins, notamment pour ceux qui ont choisi le financement de la recherche par leurs propres ressources (baisse de la demande)
- La très forte concurrence des courtiers entre eux, notamment entre les gros courtiers internationaux généralistes et les fournisseurs indépendants, entraînant les prix de la recherche à la baisse (concurrence exacerbée, bien que nous constations aussi une très forte relation historique entre courtiers et gérants)
- L’internalisation de la recherche chez les gros acteurs PSI
- L’accès court-circuité aux émetteurs, sans intermédiation des courtiers
- L’exigence des institutionnels de ne plus payer les frais de recherche quelle que soit l’enveloppe d’investissement choisie (mandat, OPC)
Cette dégradation économique des fournisseurs de recherche commence à se matérialiser par :
- La baisse de couverture, dont la tendance est toutefois historique en France, des entreprises dont la capitalisation est inférieure à 500 millions d’euros
- La baisse du nombre d’analyses produites globalement par les analystes financiers
- L’émergence d’une recherche financée (dite « sponsorisée ») par l’émetteur lui-même
- La « juniorisation » des analystes financiers
- La baisse du ratio nombre d’analystes financiers sur nombre de sociétés
- La dégradation des conditions d’organisation des road shows (encadrement de la conciergerie)
Enfin, les fournisseurs de recherche indépendants, qui n’offrent pas de service d’exécution d’ordre, et qui ne sont donc pas porteurs de conflit d’intérêts sont très fortement impactés par la baisse des prix des courtiers de référence.
Propositions du rapport et plan d’action de l’AMF
Afin de renforcer l’offre de la recherche, la mission propose une série de mesures à l’AMF. L’autorité a publié le même jour son « plan d’action en faveur de la recherche » qui reprend la plupart des propositions faites et qui entraînera de facto une mise à jour de son guide sur le financement de la recherche.
Récapitulatif des propositions du rapport et du plan d'action de l’AMF :
Lien vers la publication du plan d’action de l’AMF (site de l’AMF, amf-france.org)
Lien vers la publication du rapport Eli-Namer/Giami (site de l’AMF, amf-france.org)
Et Marker dans tout cela ? La gestion du sujet de la recherche est intimement liée à la gestion des conflits d’intérêts au sein d’un groupe, d’une entité, d’un département ou d’une équipe. Nous pouvons vous aider à identifier ces zones de risques et vous proposer des solutions d’organisation afin de répondre aux exigences qui découlent des statuts des PSI régulés par l’AMF.
- Rémi Bitchakdjian, Manager – remi.bitchakdjian@marker-mc.com
- Nada Benslimane, Consultante – nada.benslimane@marker-mc.com
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